mercredi 29 janvier 2020

Émersivité du corps en alerte. L'expérientiel 2


Vient de paraître lundi dernier, L'expérientiel 2quelques semaines après Art immersif, affect et émotion. L'expérientiel 1

L'image vibrante de la couverture est de Camille Havas.




C'est fou comme on peut se sentir fébrile dans l'attente de le recevoir en chair et en os ! D'autant plus que cet essai repose sur trois récits personnels du corps en situation critique :

  • ma chute accidentelle, qui aurait pu me fracasser en mille miettes, mais que la dictée d'une voix intérieure, "Relaxe", absorbe (ch. 3) ; 
  • l'accompagnement de mon petit-neveu (né à 29 semaines et 1/2) en néonatalogie (ch. 4), durant lequel je vis toute la palette des émotions (il a eu 5 ans dernièrement et déborde d'énergie!)
  • une excursion par temps froid glacial de Camille Havas, où les frontières  poreuses avec l'environnement lui ont révélé plein de choses étonnantes (ch. 5).
Ces deux tomes représentent 5 ans de travail ! 
La préface est de Bernard Andrieu

Deux lecteurs critiques, Enrico Pitozzi et Anaïs Bernard, en témoignent sur le verso couverture :





Pour une idée du contenu, voici quelques extraits : 

"Début janvier 2015, la naissance prématurée de mon petit-neveu vient bouleverser ma recherche postdoctorale en cours. Pendant trois mois, je le visite en néonatalogie trois fois par semaine. (...) Cet accompagnement finit de me convaincre que l’expérience esthétique n’est pas l’apanage des arts, qu’elle se retrouve aussi dans tous les domaines de la vie, notamment lors d’expériences limites." (p.23)
...
"Lorsqu’une voix, surgie d’on ne sait où durant une chute qui plaque le corps au sol (3.00), le somme de relaxer, cet ordre semble volontaire. Mais d’où provient cette volonté ? En entendant cette voix, le corps exécute immédiatement la consigne et se relâche d’un coup. Lorsqu’il se remémore l’événement, cette dictée trouve sa source volontaire quelque part au fond de la mémoire, sans raison apparente. La consigne « Relaxe », surgie d’un passé lointain qu’une poussée cérébrale, peut-on supposer, transmet à la conscience, exerce un pouvoir instantané. Sa provenance demeure vague, même si pour ma part j’associe cette consigne au maître de tai chi qui l’a prononcée lors de nombreux ateliers de 1986 à 1994. Il demeure important de distinguer le corps vivant qui agit en boucle sur lui-même sous la dictée cérébrale, et le corps vécu que la remémoration permet d’observer et de décrire." (p. 33) 
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"Pour sa part, le récit (5.00) est principalement autocentré, avec certains passages hétérocentrés sur l’environnement. Il traque les atteintes du froid dans les systèmes musculosquelettique, neurologique et sensoriel du corps. Comment le corps peut-il s’adapter au froid intense ? Quelles sont les parties du corps les plus affectées ? Comment la sensorialité est-elle impactée, certains sens passant à l’arrière- plan alors que d’autres prennent tout l’avant-plan? (...) Pour cette expérience limite, l’auteure Camille Havas relate intimement l’attention qu’elle a consacrée à l’expérience à la fois pour mieux connaître son corps capacitaire et pour évaluer en continu les risques et les conséquences possibles." (p. 38) 
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"En quête de pistes de réponse avec l’étude de trois cas de figure, nous mettrons à l’épreuve la triple hypothèse suivante :

- Primo, en état d’alerte, notre attention change de registre et pénètre des zones subconscientes du corps. Dès lors, le champ de conscience balaie la zone impactée ;
- Secundo, le récit expérientiel en première personne, autocentré ou hétérocentré, bien que subjectif, enrichit le savoir avec son ancrage dans l’acte de connaître du corps vivant. Ainsi la connaissance du corps en acte et le savoir
se bonifient mutuellement ;
- Tertio, l’expérience vécue, qui fait l’objet d’une théorisation (description, analyse, synthèse), revêt une qualité esthétique à degrés variables, selon les circonstances. En ce sens la qualité esthétique n’est pas l’apanage de l’art, elle appartient à l’existence à condition d’aller jusqu’au bout des dimensions affectives et cognitives d’une expérience." (p. 32)

"Corps vivant et corps vécu, corps monitoré et corps ressenti, corps observé et corps décrit, sont autant de facettes d’un prisme en mouvement perpétuel. Le corps vivant intervient dans une temporalité et une complexité inaccessibles, même lorsque le corps vécu revient sur la situation. Si le corps vivant nous échappe dans son entièreté à chaque instant, il s’émerse tout de même à petite dose dans le corps ressenti, où il laisse des traces, des résonances et des images à décrypter. Poreuse, la frontière entre vivant et vécu peut parfois même s’effriter. Nous avons toutes et tous connu de tels moments. Nous nous sentons dépassé.e, dans un état second ou supranormal. Notre conscience altérée embrasse un champ impacté qui mobilise l’attention. Notre foyer perceptif se dirige sur une portion limitée qui devient un univers en soi. Dès lors, nos paramètres spatiotemporels se modifient alors que notre sensorialité, notre schéma corporel et notre métabolisme tentent un rééquilibrage." (p. 155) 


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